Gérard Le Manceau

 

Le peintre Gérard le Manceau nous a quitté l’année dernière. J’éprouve aujourd’hui le besoin de lui rendre hommage. Ce peintre de Trébeurden ne semble pas très connu hors la Bretagne, nous ne trouvons aucune de ses œuvres en cherchant sur le net. Pourtant nous rencontrons quelques lignes de remerciement et cela représente parfaitement la personnalité et l’œuvre de Gérard. Personnage étrange et secret, solitaire, mais tout autant généreux, joyeux et plein d’humour. Pendant presque un an, après des études d’art en 1977, j’ai habité avec Gérard, à Tréguier. Avec le temps je regarde ce moment comme une carte postale toute veinée d’images d’Epinal, il faut dire que l’époque s’y prêtait bien, jeune artiste en apprentissage ou jeune hippie égarée, je me trouvais chez lui comme par hasard, ou comme par évidence.

Gérard peignait au premier étage, en écoutant, très fort de la musique classique (Wagner surtout). Il prenait des polaroids de ce qu’il souhaitait mettre en place dans ses toiles, et c’est ainsi que je posais habillée d’une cape pour quelques unes. La journée se passait dans les odeurs d’huiles et de bois. Il me montrait comment faire les châssis à l’ancienne, fabriquer sa peinture, sa matière, lui qui avait appris à la Villa Médicis de Rome. Nous parlions de la mort, qui le hantait. A cette époque il peignait de nombreuses toiles sur ce thème, inspiré de « l’île des morts » d'Arnold Böcklin.

Sérieux, profondément réfléchi Gérard après le travail savait se montrer un ami, rieur et farceur. Le week end nous allions déjeuner chez ses parents à Trébeurden qui accueillaient à bras ouverts cette colocataire, apprentie, et nous étions sûrs d’avoir un repas complet et chaud, au mois une fois la semaine.

Je me souviens de ses confidences, de petits riens, de petites choses, comme par exemple son émoi à l’évocation du ruban bleu noué dans les cheveux d’une jeune femme dont il tomba amoureux.

 

Il est difficile de parler de ceux qui sont partis, surtout si ils sont partis trop tôt, surtout quand ils ont laissé des traces dans notre âme. Et Gérard a marqué mon apprentissage de peintre, tout comme mon parcours d’écrivain. Comment ? Je ne saurai le dire exactement. Peut-être l’ai – je un peu découvert quand lui rendant visite pour la dernière fois, je le vis encore et toujours à chercher le beau, de sa maison, de son jardin, du beau en silence, en pudeur, en partage.

Une harpe songeait dans un coin du salon tout de bois en senteur. Des tentures palissaient aux grés des courants d’air et l’arc des portes bondissait à travers l’espace. Et puis la peinture, sa peinture, sage, discrète, qui sans faire de bruit, foudroie l’esprit, ouvre en soi le puits sans fond de l’éternité.

 

(Article paru sur le blog Sido)

 

 

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